Je signale un remarquable documentaire datant de 2010 : Restrepo (lien ici pour le torrent).
L’enjeu ? Prendre conscience de l’effondrement occidental par le petit bout de la lorgnette militaire.
En avril 2006, l’armée américaine installe “Kop”, une “firebase” (concept datant de la guerre du Vietnam) dans la vallée de Korengal (à l’est du pays, près du Pakistan).
Littéralement, dans le trou culier de l’Afghanistan
Pourquoi ? Il y a des “infiltrations” de Talibans et des trafics avec le Pakistan.
Contresens crétin puisque le pays est taliban, toute la vallée est talibane.
On voit un paysage montagneux vertigineux et boisé, pas un désert. Un soldat fera ainsi la comparaison avec Denver dans le Colorado !
Sauf que là, dans cette vallée, les Afghans vivent au moyen-âge… des siècles dans le passé.
Très vite, ce poste devint le plus dangereux du monde pour les soldats américains… Plus de 40 d’entre-eux y laissèrent la vie…
Des attaques quotidiennes… Des patrouilles prises dans des embuscades… Des tirs plusieurs fois par jour (durant une séquence on voit même l’impact des balles aux pieds d’un soldat !)…
Le documentaire commence très fort. Un convoi progresse sur la route montagneuse pour rejoindre “Kop” avec deux journalistes à bord… boum… une IED explose près d’un des véhicules ! Le tout filmé de l’intérieur.
Quel est l’objectif de cette “firebase” ?
Le capitaine l’avoue dans sa candeur de joueur de football nourri au beurre de cacahouète :
“Nous ne sommes pas là pour chasser l’ennemi… On est là pour que l’ennemi vienne à nous et qu’on puisse le tuer”.
C’est le vieux fantasme de Dien Bien Phu ou encore de Khe Sanh (le Vietnam, toujours) : attirer, fixer puis détruire dans une bataille classique des forces ennemies qui vous échappent par ailleurs…
Une section (une trentaine d’hommes) va ensuite installer un poste-avancé… à 800 mètres de la base principale…
Avec des murs de terre, des planches, des tôles…
Comme ils le disent : “un autre monde“… suivi par “a shitty place“.
Ils y resteront 15 mois.
Ils baptisent le poste “Restrepo” en hommage au médecin de leur compagnie qui fut tué… dès leur arrivée. Deux balles dans la gorge.
Toute l’absurdité de la guerre “à l’occidentale” est là… ainsi que toute l’obscénité de la présence américaine dans ces montagnes médiévales, à des milliers de kilomètres de Washington.
On cherche (comme au Vietnam un demi siècle en arrière ou en Irak plus récemment)… le moindre sens.
Il n’y en a en réalité aucun.
Aucun sens militaire (ce fut une défaite cuisante), aucun sens politique.
Le néant de la pensée, la bêtise de l’action ; c’est Shadock.
La guerre qui doit impérativement se poursuivre car… on l’a commencée !
Le capitaine, well spoken, les dents blanches, barraqué, mâchoire carrée, la quintessence de l’officier de l’US Army… participe chaque semaine à la “shura“, c’est-à-dire la réunion des “anciens” des hameaux voisins (avec un interprète bien entendu)… C’est surréaliste.
Car, comme au Vietnam ou en Irak… le mot d’ordre -orwélien- n’a jamais varié : “hearts and minds“…
Il faut ainsi discuter avec… les indigènes, les convaincre de dénoncer les méchants Talibans (leur propre famille… quelle farce) et sécuriser l’environnement pour construire… une route.
Et puis s’excuser quand on on provoque… des “dommages colatéraux”… Femmes, enfants… civils… réduits en morceaux.
Le capitaine parle dans le vide.
Comment concevoir une quelconque compréhension entre lui et ces vieillards du bout du monde et d’une culture si radicalement différente de la sienne ?
Qui est ce soldat rasé de près pour ces vieux Afghans barbus ?
Un occupant. Un intrus. Un squatteur. Un étranger. Et donc un ennemi.
Un jour, quelques “anciens” débarquent à l’avant-poste…
L’objet de cette rencontre impromptue ? La veille, les Américains ont tué… une de leurs vaches (qui avait pénétré le périmètre de sécurité, avec les barbelés et qui fut donc prestement exterminée par les soldats nerveux… pour lui éviter de souffrir [“put her out of her misery“])…
Dérision…
Dérision encore… quand le gradé leur demande “combien ça coûte une vache ?“… Il communiqué au QG la somme réclamée (“400 à 500 dollars“). Compensation refusée. Ce sera finalement le poids de la vache… en sucre et haricots.
Les Américains abandonneront la vallée de Korengal en avril 2010… après la mort de 42 des leurs, des centaines de blessés, et après avoir balancé des gazillons de tonnes de bombes et autres munitions sur les flancs et les crêtes de ces montagnes (artillerie, hélicoptères d’attaque, A-10 Warthog, gunships AC-130… tout le who’s who de la quincaillerie mortelle).
En vain. Evidemment.
Il ne s’agit pas ici de critiquer le comportement de ces (très jeunes) soldats.
Ils apparaissent irréprochables. Ils avouent leur peur. Ils cachent la vérité à leur mère au téléphone. Ils s’entraident. Ils bizutent leur cuisto (noir). Ils pleurent leurs morts. Ils sont marqués. Et osent même déclarer : “il faut respecter l’ennemi… sinon à quoi bon ?“.
Pour des ptits gars qui arrivent du fin fond des Etats-Unis, c’est remarquable.
Ce documentaire à la limite ne les concerne pas vraiment. Ils semblent être le sujet. Mais en fait non.
Le véritable sujet est cette obscénité… Cette occupation absurde pendant 20 ans (!!!!)… sans aucun objectif réel… avec des mensonges énormes comme justification (“Ben Laden !“) et condamnée à se perpétuer de manière autonome… dans un délire technocratique déjà décrit lors de la guerre du Vietnam (les parallèles sont nombreux).
C’est terrible mais rien n’a réellement changé dans l’armée de l’Oncle Sam (à part… les femmes et les transsexuels, bien entendu !).
Qui sommes-nous pour imposer notre présence, je ne parle même pas de nos idées -par la force !- à des hommes et des femmes qui vivent dans ces montagnes… depuis des temps immémoriaux ?
Le même constat s’applique bien entendu à l’Afrique et au Moyen-Orient.
Je suis le premier à défendre l’histoire du “colonialisme” européen à la grande époque, quand nous avions encore des idées, allez osons le mot, des principes.
Quand nous avions encore quelque chose à proposer (imposer, d’accord), et que l’Occident pouvait se prévaloir du bien, du bon, du beau.
Mais aujourd’hui ?
C’est quoi le projet ?
Plume dans le cul pour tous ? Changer de sexe ? Injections ARNm pour tous ? Biden, Macron, Trudeau, Scholtz über alles ? Voitures électriques ? Un Reich avec le drapeau LGBTQ++ ? Le rire de dinde de Kamala Harris ? La corruption ?
Cette folie doit cesser.
Cet hubris au rabais doit cesser.
Nous sommes complètement à côté de nos pompes.
POST-SCRIPTUM
L’équipe de Restrepo a eu l’excellente idée de réaliser un second documentaire, quelques années plus tard (en 2014), pour suivre les protagonistes et utiliser d’autres séquences filmées en 2007/2008 : Korengal (dispo ici en torrent).