Le Bangkok Post publie un article remarquable (cela arrive parfois).
En gros, la présence chinoise se renforce au Royaume de Siam… y compris dans les domaines les plus inattendus comme le tourisme ou la restauration.
Surprise !
Nous nous réveillons ainsi un beau matin… sinisés.
Le mot est impropre car il évoque une forme d’intégration (à double sens).
Plutôt… mis en coupe réglée.
Les Thaïlandais critiquent par exemple les “zéro dollar tours“… C’est-à-dire des entrepreneurs chinois qui font venir leurs compatriotes… mais possèdent et contrôlent TOUS LES MAILLONS de la chaîne économique locale.
Bus, navires, restaurants, hôtels, guides, interprètes et même… magasins !
En clair, les locaux ne voient pas la couleur d’un billet de 100 THB alors que ces touristes visitent leur pays.
Pire encore : ces sociétés touristiques chinoises font concurrence aux autres et ne leur laissent aucune chance (le fameux “prix chinois”, dernier exemple en date… la céramique).
C’est d’ailleurs une énième illustration de leur génie économique ; ils y vont toujours à fond. Intégration horizontale et verticale !
Pour les restaurants, c’est la même logique : ils font tout venir de leur pays natal y compris les ingrédients, ou encore les matériaux pour la décoration intérieure.
Mais comment est-ce possible ?
Car tous ces emplois/business sont strictement réservés aux autochtones. C’est la loi de 1999, le fameux Foreign Business Act.
Certaines activités sont même carrément interdites aux étrangers (télévision, radio, presse, extractions minières, fabrication de sucre, cultivateurs de riz, fabrication de la soie, artisanat, etc.). D’autres doivent s’appuyer sur une majorité d’actionnaires thaïs.
Le point faible…
Car il suffit de donner une enveloppe à un autochtone qui devient ainsi officiellement “directeur” et actionnaire de papier d’une société… contrôlée en sous-main par des investisseurs Chinois.
Cette pratique est aussi ancienne que la loi. Cela s’appelle un prête-nom (nominee en anglais).
Les étrangers utilisent d’ailleurs MASSIVEMENT cette structure pour contourner l’interdiction qui leur est faite d’acheter des terrains (afin d’y construire des maisons).
Sur les îles de Phuket, Samui ou encore à Pattaya c’est un festival…
Ce schéma -illégal- a pignon sur rue et des légions d’avocats se chargent d’en faire la promotion.
Concrètement une société (type SARL), possédée officiellement à 51 % par un ou plusieurs Thaïlandais… devient le propriétaire légal de la maison et du terrain… Si vous voulez revendre votre maison, il vous suffit de revendre les parts de la société.
Répétons-le : c’est illégal…
Tout se passe bien pendant des années, et puis un jour, paf, le crackdown, la répression. Et vous pouvez tout perdre.
Il peut s’agir d’une campagne (dans telle ou telle province, en fonction de l’humeur de tel ou tel potentat local) ou alors d’une action ciblée, vous visant personnellement (si vous gênez quelqu’un d’important, une vengeance etc.).
Ces histoires de prête-nom reviennent ainsi régulièrement dans l’actualité (la dernière fois, en mai, il s’agissait de Phuket… avec les fameux Russes).
Revenons à l’influence chinoise au Royaume de Siam. Cette immigration a débuté il y a six siècles.
Un des rois (Taksin) avait un père chinois. Son successeur Rama 1, le fondateur de la dynastie qui règne encore aujourd’hui, avait aussi du sang chinois.
Au siècle dernier, des milliers de Chinois furent naturalisés (sur décision royale).
Très entreprenants… ils montèrent rapidement dans l’échelle sociale… Certains devenant très riches, et se mariant au sein des élites politiques ou aristocratiques siamoises.
On citera par exemple la famille de Thaksin (ancien premier ministre, sans oublier sa soeur qui prit la suite), d’origine chinoise. Quasiment toutes les familles les plus riches du pays, qui possèdent des conglomérats (comme CP etc.) ont des ancêtres chinois.
Bref, cette influence, y compris au plus haut niveau, n’est absolument pas nouvelle !
Pendant des décennies, le communisme à la Mao constitua bien entendu un mur étanche… Guerre froide, guerre du Vietnam, les adorateurs du Petit livre rouge ou du Que faire ? de Lénine menaçaient toute la région et ses régimes conservateurs.
La Thaïlande, signalons-le, fut impitoyable dans sa répression anti-communiste (voir le massacre de 1976).
Mais aujourd’hui ?
Il n’y a plus AUCUNE idéologie. L’argent règne en maître.
La Thaïlande est de facto devenue une forme de sino-colonie. Une colonie… douce. On y met les forme, on graisse les bons rouages. On respecte les élites locales. On se mêlent même à ces dernières. Mais le mouvement s’amplifie.
Toutefois certains commencent à se plaindre, car il y a inévitablement des perdants… Au point d’évoquer publiquement les problèmes vécus dans le tourisme, la restauration et bien entendu l’industrie.
Pourtant, l’invasion était déjà visible et ancienne… dans le domaine immobilier !
Il s’agit des “condominiums”, ces immeubles de 30 ou 40 étages qui poussèrent comme des champignons à Bangkok ! Car la loi autorise les étrangers à posséder -en leur nom propre- des appartements (même si un quota général de propriétaires thaïlandais, par bâtiment, doit être respecté).
Les Chinois adorent l’immobilier, à la fois comme compte bancaire, instrument financier de spéculation, sans oublier pour certains… outil de blanchiment.
Voilà pourquoi des dizaines de milliers d’appartements… demeurent vides dans la capitale. Et que les tours continuent de pousser…
La Chine après avoir laminé l’Occident… s’étend sur ses propres “marches”. Rien de plus naturel. Et les Etats-Unis devraient enfin comprendre que les temps géopolitiques ont changé… et qu’ils sont devenus tricards dans toute la région.
Une présence encombrante, vulgaire, dangereuse, velléitaire, anachronique et finalement peu loyale (alors que c’est un trait culturel très important en Asie).
Ceux qui s’intéressent à l’Indochine savent que le Cambodge a été littéralement colonisé par Pékin en à peine 20 ans. C’est même effrayant (la capitale Phnom Penh devenant méconnaissable avec ces grands immeubles).
Cette influence grandissante repose sur 4 piliers :
- la puissance publique. C’est le PCC et ses Nouvelles Routes de la Soie avec des projets ferroviaires (le Laos dispose ainsi d’une ligne TGV, le reliant à la Chine, et bientôt avec la Thaïlande).
- les entrepreneurs privés qui débarquent en force
- la diaspora chinoise (déjà présente et installée depuis longtemps… virtuellement partout)
- les mafias (les organisations criminelles au sens large… qui suivent, s’adaptent en permanence, et dont personne ne peut se passer)
La Thaïlande ne peut pas échapper à ce vortex, ce trou noir géant qui littéralement AVALE TOUT.
Economie et politique finissent ainsi par se combiner. Le tout factorisé par l’Histoire et le bon sens géographique (je rappelle -est-ce nécessaire ?- que Bangkok n’est qu’à 1 600 km de la frontière chinoise, et que seuls 900 km séparent Hanoï de son voisin nordiste).
Le Vietnam résiste encore un peu, par une forme d’atavisme et d’automatisme historique (nombreux conflits entre les Viets et leurs voisins du nord, le dernier en 1979, si, si).
Mais là encore, cette animosité… disparaîtra avec les jeunes générations et le pouvoir du pognon qui agit comme un acide. Ou plutôt comme une grosse gomme.
A cette aune, on comprend que l’affaire taïwan(i)aise est un gigantesque piège à cons !
Car enfin… pourquoi faire la guerre et détruire l’île… quand il suffit de… l’acheter ? Le tout sur plusieurs décennies… ?
L’opposition idéologique était par définition très réelle du temps de Mao et du général Chiang Kai Shek… Mais elle n’existe ABSOLUMENT PLUS aujourd’hui.
Elle est entretenue artificiellement, à des fins de propagande (mais aussi, cela fait partie du plan chinois, pour intoxiquer l’Occident, autre illustration de leur génie : ils utilisent tout, ils recyclent tout).
Bref pour comprendre cette partie du monde il suffit de regarder une carte… et d’y ajouter les atouts chinois (nombre interne et externe, sens du commerce, intelligence, vision longue du temps).
L’Asie du Sud-Est constitue les “marches” de l’Empire du Milieu. Son influence continuera à se renforcer.
Il ne sert à rien de pousser des petits cris effarouchés ou de se griffer le visage. Les politiciens asiatiques ont parfaitement compris cette évidence historique.
Les offensives menées ici ou là par les Etats-Unis sont par définition un combat d’arrière-garde. Un truc totalement has been, à l’image du déclin inexorable (et douloureux) de cette vieille superpuissance, divisée, anorexique, hystérique.
En un mot : condamnée.
Qui en Asie ayant encore 3 neurones connectés accepterait de se faire dicter sa conduite par cette vieille peau acariâtre ?
La Chine s’est éveillée.
Le 21ème siècle est chinois.
C’était prévu et écrit.
Ce qui l’était moins est que d’autres pays… se réveilleraient eux aussi un beau matin… sinisés.